lundi 27 octobre 2008

« La Marseillaise » sifflée au Stade de France et alors ?



Ah, les hypocrites ! Tous ces ministricules et autres secrétaires-d’état-à-rien-du-tout qui, dans un seul concert de protestations ont dénoncé les sifflets qui ont accompagné « La Marseillaise » à l’ouverture du match de football France-Tunisie de la semaine dernière.

Que n’a-t-on entendu de leur bouche ? Inacceptable ! Inadmissible ! Scandaleux ! Et bla-bla-bla…

Il ne manquait à ces lamentations que Lilyan Thuram et ses copains « antillais » de l’équipe de France, eux si prompts à entonner « Allons, enfants de la patrie ! » alors que leurs coéquipiers gaulois gardent généralement la bouche cousue.

Et tel ministricule de proposer que désormais les matches de la France contre les équipes du Maghreb ne se déroulent plus qu’au…Maghreb. Tel autre de déclarer que des actions en justice seront diligentées contre tous ceux que les caméras du Stade de France auront filmés en train de siffler l’hymne national (n’importe quoi ! Dans quel texte de loi, ce « délit » est-il répertorié ?). Tel autre encore, suivi en cela par le premier ministre et le président de la République, qu’on arrête le match dès les premiers sifflements.

Avant d’analyser la chose, ou plutôt ce délire, notons d’emblée l’effroyable imposture de ces dénonciateurs car un seul d’entre eux a-t-il jamais proposé qu’on arrête un match lorsque des spectateurs poussent des cris de singe dès qu’un joueur noir touche la balle ? Lorsqu’on lance à ces mêmes joueurs noirs des bananes ou des peaux de banane ? Ou qu’on brandit des banderoles racistes dans les tribunes des stades ?

Que non !

Jamais il n’a été proposé qu’on arrête un match pour si peu.

Dont acte…

Pour en revenir aux milliers de jeunes Beurs qui ont sifflé « La Marseillaise » l’autre soir, ils n’ont fait que mettre à nu l’hypocrisie française (de droite comme de gauche), celle qui feint de s’étonner que des « Français » sifflent leur hymne national. Des Français les bougnoules des banlieues ? Des Français que l’on respecte ? Ou au contraire des indigènes que l’on a parqués dans des réserves et que l’on contient à coups de cars de CRS, de grenades lacrymogènes, de flash-ball et de Taser ? Arrêtons le cinéma !

Les « jeunes des banlieues », comme les appellent pudiquement les hommes politiques et la grande presse, sont des laissés-pour-compte qui n’ont pas d’écoles dignes de ce nom, ni de bibliothèques, qui ne trouvent pas de travail, qui sont harcelés journellement au pied de leurs immeubles par la police, qui reçoivent en pleine figure des tonnes d’insultes (« Bougnoule ! », « Bicot ! », « Raton ! », « Crouille ! » etc.) dès qu’ils osent quitter le territoire dans lequel la République les a assigné à résidence. Comment n’auraient-ils donc pas la haine ? Pourquoi se sentiraient-ils « français » quand bien même beaucoup en ont la carte d’identité ?

Alors siffler « La Marseillaise » est pour eux une manière d’exprimer leur colère et de se défouler. C’est davantage un rejet de l’hypocrisie française que d’un hymne dont ils ne connaissent même pas les paroles. En fait, ce qui a déclenché la rage de la nomenklatura politico-journalistico-intellectuelle, c’est que ce rejet se soit exprimé à la télévision, c’est-à-dire devant des millions de gens. C’est que ces jeunes Beurs aient proclamé à la face du monde :

« Nous ne voulons pas de cette France qui nous méprise et nous rejette ! »

Car qu’on se garde d’oublier que leurs parents et grands-parents ne sont pas venus de leur plein gré dans les mines de charbon du Nord de la France, sur les lignes de montage des usines Peugeot à Sochaux ou sur les chantiers du bâtiment du Sud de la France ! C’est le patronat français avec le plein accord des autorités françaises qui, pendant 30 ans, a organisé la venue de dizaines de milliers d’immigrés maghrébins en France et c’est grâce au travail de ces derniers (et à celui des travailleurs français) que la France d’après-guerre a pu se relever, connaître les fameuses « Trente glorieuses » et devenir la 4è ou la 5è puissance mondiale.

Qu’est-ce que ce patronat et ces autorités françaises s’imaginaient ? Que ce prolétariat, au statut quasi-colonial, ne ferait pas d’enfants ou alors que ses enfants seraient envoyés illico presto au « bled » ? N’importe quoi ! Les jeunes Beurs sont l’honneur de l’immigration. Pas des « racailles » à karchériser ou des « sauvageons » à mettre en cage.

Messieurs, les présidents, ministres et secrétaires d’état de la République française une et indivisible, mère des arts et des lettres, patrie de la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen, permettez que nous ajoutions une petite proposition de sanction à l’arsenal répressif que vous êtres en train de mettre en place : qu’aucun joueur d’origine arabe ne soit plus sélectionné dans l’équipe de France.

Comme ça votre équipe de Blacks et de Blancs ne risque pas d’être sifflée…

Raphaël Confiant, écrivain martiniquais
PS : La photo représente R.Confiant discutant avec A.Alexandre

4 commentaires:

  1. je suis bien d'accord avec ce qui vient d'être dit, même si je ne me sens pas concerné, moi je suis un immigré, je suis venu en France par mes propres moyens, voilà tout.

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  2. bravo pour la pertinence de l'article, les vérités sont enfin exprimées !
    La socièté Française exclue, rejette, méprise les enfants d'immigrés...organise l'exclusion...l'échec, la pauvreté...elle déforme l'histoire...elle s'es enrichie avec la main d'oeuvre immigrée, avec les logements sociaux (politique de la grue qui a enrichi les communes et régions)...
    et elle voudrait que les enfants des colonies la remercie !!!
    On nous prend vraiment pour des abrutis !!!

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  3. Bonjour,
    J'aime la véracité de vos propos, au moins on y va pas par quatre chemins. Je dirais que la France n'aime pas ses immigrés et ils le lui rendent bien en sifflant cet hymne qui est amalgamé à la politique de nos dirigeants qui soit dit en passant sont d'origines étrangères...

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  4. je ne viens pas des banlieues. Mes parents sont venus d'une colonie française. Je n'ai pas de police en bas de mon immeuble. Pourtant, au travail j'ai été exploitée comme une colonisée et comme ma collègue noire à qui on a expliqué qu'elle et moi travaillons pour les autres. Le logement, c'est précaire et du vol. Et au lieu de bougnoule, etc c'est "vous venez du sud, le dossier c'est comme pour la préfecture (je suis aussi française) je ne vous parle de ceux qui veulent devenir des amis.

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